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dimanche 21 novembre 2010

Langues : pourquoi les Français ont du mal...

(ce papier a, en réalité, été écrit le 7 novembre 2010 mais transféré d'un autre blog)

Je sais, çà n'a pas grand chose à voir avec l'informatique mais ça me fait plaisir de parler ici de ce sujet qui est une de mes autres passions...


Pourquoi les Français ont-ils du mal avec les langues ?
Quelques points à noter - mes mots ci-dessous concernent surtout la langue anglaise -mais pas seulement- ;-) :

 1  L'ordre d'apprentissage n'est pas le même pour un natif et pour un apprenant SL

Je remarque tout d'abord que l'apprentissage de la langue maternelle se fait oralement et c'est donc la langue entendue, la prononciation, le vocabulaire, la langue parlée qu'on apprend et c'est ensuite qu'un natif acquiert quelques règles pour parfaire sa grammaire et pour mettre au point son orthographe (prononciation -> orthographe) - cette seconde phase n'étant pas obligatoirement effectuée par tous (faible niveau en orthographe de natifs).
A l'inverse, lors de l'apprentissage d'une seconde langue, la plupart des apprenants passent par une langue lue et écrite (avec mise au point du vocabulaire, de la grammaire et de l'orthographe) et c'est par la suite qu'ils se préoccupent vraiment de la langue parlée et particulièrement de sa prononciation (orthographe -> prononciation).
Bien sûr, il est possible d'avoir une nurse pour l'apprentissage de la langue seconde, d'apprendre avec une méthode orale, par ordinateur ou avec un professeur particulier... Je fais ici abstraction des enfants d'immigrés qui apprennent leur langue seconde à l'école primaire (ou plus tard).
La seconde phase est nécessaire à la seconde langue lorsqu'on veut établir des contacts avec les natifs et échanger. La seconde phase s'effectue souvent hors de l'école car ce n'est pas le point capital pour nos professeurs (seuls les profs d'italien exigent un accent tonique correct) et c'est plus tard, avec la nécessité de la profession ou les goûts de l'âge adulte que vient cette phase (si bien que les conditions de l'apprentissage de la prononciation ne sont pas idéales).
Ceci est important. Sans doute êtes-vous comme moi et avez remarqué que côté orthographe, vous étiez meilleur que pas mal de natifs. Le problème est que les documents utilisés par les natifs sont prononciation -> orthographe et que les documents qu'il faudrait aux apprenants 2ème langue devraient être orthographe -> prononciation et ils sont beaucoup plus rares et moins bien rédigés, ce sens n'est pas naturel !
Il y a le cas simple des langues qui se prononcent comme elles s'écrivent (avec un nombre faible de règles générales) comme l'italien ou l'allemand.
Pour ce passage langue lue/écrite -> langue parlée, les apprenants commencent par appliquer les règles de prononciation de leur langue maternelle, ce qui ne facilite pas les choses et aboutit à un anglais parlé avec l'accent français ;-)
Le point ici souligné n'est pas spécifique aux Français, les étrangers qui ont à apprendre le Français, tentent aussi de deviner la bonne prononciation (et ils ont bien du mal et du courage avec la prononciation du Français).

 2  La langue Française a des caractéristiques défavorables

Le Français est une langue particulière et beaucoup de ses caractéristiques n'aident pas à l'apprentissage des langues étrangères.
- le mot français ne comporte pas d'accent tonique. L'accent type est celui de Tours (pas celui de Paris ni de Marseille) et les syllabes sont prononcées à un même niveau. Ceci n'est pas possible en italien et appliquer le "format" français à città ou à machina, à giovedi ou a parlanno entrainera des incompréhensions
- la phrase française ne comporte pas d'intonation, pas d'accent tonique bien marqué et il n'en est pas de même en anglais où certains mots de la phrase sont bien plus audibles que d'autres. Demandez à un locuteur anglais ce qu'il pense d'un japonais ou d'un indien parlant sa langue. Il y a en anglais ou en italien, une mélodie qui est absolument nécessaire à la compréhension.
- toutes les langues européennes sauf le Français, distinguent les voyelles longues des voyelles brèves et de même les voyelles ouvertes des voyelles fermées. Ceci permet d'ailleurs à l'anglais, d'économiser en nombre de mots (qui différent alors par ces "voyelles" non semblables) et en longueur des mots.
- non seulement ces voyelles longues ou brèves ont à voir avec la durée mais, en langue anglaise, il y a en même temps, modification complète du son : le "a" de later ne se prononce pas du tout comme celui de latter de sens pourtant voisin !
La langue française méconnait ces propriétés des voyelles et un Français parlant anglais a tendance à reproduire la chose dans cette langue seconde ce qui aboutit à une incompréhension du natif qui ne reconnait pas ses mots. Dans l'autre sens, beaucoup de Français ne parviennent pas à distinguer des sons différents dans cap, cup, hurry, harry, etc. bonjour les ambiguités, les incompréhensions voire les contresens !
J'insiste en ajoutant que les Français sont moins bons en musique que les Anglais ou les Allemands car il y a beaucoup de sonorités qu'ils n'entendent tout simplement pas !
Je remarque également que les Russes, les Polonais ont la réputation d'apprendre sans difficultés des tas de langues... et ils sont aussi bons musiciens.
Ces caractéristiques de la langue française font que le Français n'entend pas assez bien les différences de ton et, évidemment, a de grandes difficultés à les appliquer en langue anglaise.
* voir ~~ édition en fin de billet.

 3  Quelques autres caractéristiques des Français et de leur langue :

- notre orthographe et notre prononciation sont particulièrement "fantaisistes" et j'en ai entendu des remarques et des questions (même par des anglophones) : mais pourquoi ne prononcez-vous pas cette lettre en fin de mot dans gilet ou Paris ? mais pourquoi fille n'est pas prononcé comme ville ? je ne parle pas de monsieur !
- la prononciation de nos sons n'est pas très variée, pas très difficile et ceci ne nous encourage pas à faire des efforts : s'installe comme une sorte de paresse (difficulté psychologique).
- il y a dans les langues des sons spéciaux qui ne seront prononcés correctement que par les apprenants de moins de 7 ans (difficulté physiologique).
La prononciation de l'anglais est très précise et la langue doit être bien positionnée... les Français ont du mal à prononcer le "th" ou le "h" (qui s'ajoutent au coup des voyelles du point précédent) et leur j'ai faim est traduit pas un je suis en colère, de même qu'ils ont mangé comme ils détestent ;-) .
Les difficultés des Anglais parlant Français tournent autour du son "r", de "un", "en", "accueil", "orgueil", "cerfeuil", "mille-feuilles", "dessus", "dessous", "soupçon" et "suçon", eux aussi ont du mal à entendre les différences.
- l'anglais a emprunté beaucoup trop de mots au français et le temps qui s'est écoulé depuis lors, a fait diverger les significations (faux amis) si bien que s'il s'y ajoute la paresse, le résutat donne quelque chose comme I'm very annoyed, I just demanded... intention tempérée initiale du genre je suis très ennuyé, j'ai juste demandé... que le correspondant comprend comme je suis très énervé, j'exigeais seulement... sûr que le ton n'est pas le même (ceci est un cas réel et classique dans ma société). Si on ajoute le fait que les Français placent beaucoup de points d'exclamation qui ont pour signification, en anglais, que la personne a un ton sec, on entrevoit quelques difficultés !

- comme pour beaucoup de nations, des siècles de domination nous font penser que c'est au monde entier à apprendre notre belle langue et pas à nous à apprendre les langues étrangères. De la même manière, les Français ne sont pas très respectueux lorsqu'ils s'évertuent à prononcer les mots d'emprunt à leur façon (comme sweat-shirt prononcé sweet...) ou pire lorsqu'ils francisent les noms propres (comme pour Londres, Naples, Milan, etc. comme ONU, OTAN et compagnie).
- il est important également d'écouter une langue correcte. J'ai l'exemple d'un enfant élevé par sa mère Australienne et une nounou Australienne, qui était un parfait petit bilingue avec son jardin d'enfants pour le Français et qui s'est mis, soudain, à parler l'Anglais avec l'accent Français des autres petits élèves de sa classe.
A l'inverse, dans ma jeunesse, les Antillais ne pouvaient pas prononcer le "R" métropolitain mais quelques décennies plus tard, ce problème n'est plus !

 4  Quelques guides pour la prononciation anglaise

Comme évoqué ci-dessus, beaucoup de Français n'entendent aucune différence dans des mots totalement et évidemment différents pour les Anglais. La conclusion de ces Français est que la prononciation ou l'orthographe de l'anglais est du n'importe quoi alors qu'il n'en est rien ! au delà de la durée du son.

Un "u" ne se prononce pas de la même façon lorsqu'il est bref et lorsqu'il est long !!!
Le Français a la fausse impression que le son "i" correspond à des graphies "e", "ee", "i", "y", "ea", "u" alors que le locuteur anglais y entendra plein de sons très différents modulés encore par les consonnes qui entourent ces voyelles... un son pour un Français, 36 sons pour un Anglais.
;-)
N'oublions pas que le problème d'un Français est de prononcer un mot dont il connait l'orthographe tandis que le problème d'un Anglais est d'orthographier un mot dont il connait la prononciation...
- un natif anglophone a des cours à l'école primaire qui ont pour sujet les voyelles brèves, longues, ouvertes, fermées, etc. et il connait la chanson (c'est le cas de le dire puisque ce sont des comptines qu'il chante et répète la série des voyelles longues puis la série des voyelles brèves -non, pas la même prononciation et, de plus, différente du nom des lettres !) qui reste totalement inconnue des Français. Il apprend également quelques règles d'orthographe telles que "i before e except after c".
Encore une fois, le natif n'a pas à apprendre de règles de prononciation et à peine des règles de grammaire et c'est à l'oreille qu'il sait si c'est correct ou pas (si dans son enfance, il a entendu ou pas...).

Je suis Français et ne suis pas capable de donner beaucoup de règles (il y en a) mais voici néanmoins quelques guides :
- la prononciation de l'anglais n'est pas au hasard. Il y a des variations selon la région ou le pays mais il y a aussi des points à respecter.
- une voyelle devant une consonne doublée a un son "pur" (c'est moi qui le qualifie ainsi), bref et fermé qui est le même pour un Américain, un Anglais, un Australien, etc.
Babble, Matter, latter, ladder, bladder ont le même son, bien différent de ceux de babe, mate, later, blade.
Letter, better, lettuce, bellows, embedded... ont le même son
Squirrel, bidder, riddle, riffle, etc. ont le même son, mais pas celui de rifle ni de rider.
Odd, offer, offence, Office...
Bubble, budding, buddy, buff, buffalo, buffer, butter, etc. ont le même son... mais le u constitue une exception avec sa deuxième série bull, bullet, bulletin, etc.
Il y a aussi une autre série avec "a" avec call, ball, wall, mall...
- il en est à peu près de même avec 2 consonnes différentes qui tendent à raccourcir la voyelle qui précède.

- une voyelle en fin de mot est généralement longue et ouverte : me, reciepe, catastrophe, etc. mais moins longue que dans feet, sheep.
- pour allonger une voyelle, je peux la doubler (je taquine en inversant le sens prononciation -> orthographe) : sheet, sheep, beef, bee... une voyelle double est longue.
- illustrons ça par quelques exemples : fin (voyelle-consonne fin de mot) est bref mais fine, final ou finally deviennent longs par ajout d'une ou plusieurs lettres et ce n'est plus la fin du mot. Write est long et written est court - remarquez le doublement du t pour le traduire. Bit, bite, bitten, etc. cradle est long (un son ei).

Attention à ne pas voir trop de règles générales dans ce qui est écrit ci-dessus !

    Conclusion et anecdotes


Les lignes ci-dessus s'appliquent parfois également aux étrangers et aux autres langues mais tout spécialement aux Français apprenant l'Anglais.Ne vous trompez pas sur la longueur de la voyelle dans sheet... ;-)
. Croyez moi, j'ai été marqué par mon incapacité à indiquer à des britanniques, la signification du mot casquette et ce n'est qu'après avoir fait des gestes que j'ai entendu de leur bouche un mot qui -pour moi- était exactement celui que j'avais prononcé plusieurs fois... et pourtant... au départ, j'étais si fier de montrer "mon savoir" ;-) et je suis tombé dans le gros piège.
. Une autre expérience est l'étonnement d'un interlocuteur allemand lorsque j'ai prononcé "worksheet" pour lui parler d'une feuille de calcul Excel : visiblement, il fallait que j'insiste plus sur la longueur de la double-voyelle lol pourtant, j'avais le danger en tête avant de prononcer le mot
. Un nouvel exemple est l'incompréhension de ma copine américaine lorsque je m'évertuais à prononcer "squairel" pour lui parler d'un écureuil au fond de son jardin... il y a des mots où on peut entendre le son i ou le son ai mais désolé, devant un "rr", c'est i et rien que i : squirrel !!!
. Une dernière anecdote pour dire que ma copine australienne ne manque pas de me taquiner avec hurry et harry entre lesquels je ne perçois aucune différence de prononciation !



gM

Note : chronologie d'apprentissage -
Natif : entendu - parlé - prononciation - lu - vocabulaire - grammaire - écrit - orthographe
ESL : lu - vocabulaire - écrit - orthographe - grammaire - parlé - entendu - prononciation


(*) ~~ édition 18 novembre 2010 -
Eh bien, il se trouve que j'ai depuis hier, un livre entre les mains qui confirme ce que j'ai écrit.
"Bouche Bée tout ouïe..." de Alex Taylor chez JC Lattès, édition mars 2010.
En page 21, l'auteur cite Alexandra, une amie interprète quadrilingue dans les Conventions Internationales, de père Américain, de mère Russe + Allemand + Français : à la question de savoir si c'est la compexité de la langue russe qui facilite l'apprentissage d'autres langues : "Ce n'est pas une question de difficulté mais de fréquences. Le russe bénéficie d'une gamme plus large que l'anglais ou le français... Celui qui est né avec l'oreille russe saisira mieux les sons et les cadences d'un plus grand nombre d'autres langues."

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